Du MM T 2786. La cité de l’amour libre

Du MM T 2786. Carnet de croquis. Non daté.

Le ménestrel, après avoir parcouru de nombreux pays, las de toutes ses souffrances, il aspire au repos dans les bras de l’amour – réchauffé par son feu – Il avait en vain cherché le grand Amour – maintenant il ne rêve que de repos à la chaleur d’un foyer tranquille baigné d’amour.

La renommée de la Cité de l’Amour libre était parvenue jusqu’à lui – là où l’on entretenait la flamme sacrée de l’Amour libre – C’était là qu’il voulait aller –

Devant la porte de la Cité de l’Amour libre il rencontre un paysan et lui pose des questions sur cette cité – Oui , dit le paysan, c’est un Etat dans l’Etat – libre, libre de faire ses lois – certaines de ses lois disent qu’on doit veiller et boire la nuit et dormir dans la journée – le mariage se conclut sans prêtre et sans falbalas – Le mariage ne doit pas durer plus de trois ans, sinon on risque une punition – Du reste un mariage peut aussi ne durer que deux ou trois jours – L’idéal – Je vais vous dire une chose – Nous avons créé le Paradis sur terre – Aucun lien ne doit entraver la liberté de l’Amour – Vive l’Amour libre .

C’est juste ce qu’il me faut, pense le ménestrel et se met à chanter :

Longtemps, pieds nus, j’ai erré
Assoiffé et affamé,
Faisant le pitre partout.
Cependant au vin je rêvais,
A une bouche pleine d’hydromel,
A reposer un peu ma tête,
Un tout petit moment,
Auprès d’une pucelle,
Aux lèvres pleines d’hydromel,
Contemplant le Paradis des femmes
Sur terre,
Ce Paradis qui était au ciel.
Il y a tant d’or
Dans les cheveux des filles aux yeux brillants,
Dont le sein se gonfle.
C’est l’œuvre de Notre Seigneur,
Délicieux coussin qu’une pucelle
Pour un roi sans royaume.


Au dessus de la porte de la cité apparaissent des têtes – aux visages d’animaux – Un porc – un chien – un tigre – certaines portant des cornes.

Le ménestrel : Puis-je entrer ? – Le porc : Entrez, soyez le bienvenu !

La porte s’ouvre et le ménestrel entre. Les habitants veulent lui faire les honneurs du lieu –

Je veux d’abord faire seul un tour, dit-il.

Ils sont tous assis autour d’une table et boivent du champagne, les pieds sur la table. On apporte un cochon de lait doré – le dieu préféré de la Cité – que les dames se repassent.

La princesse Dollar :

Oh, qu’il est mignon, ce cochon ! Combien coûte-t-il ? Mille couronnes, Tant pis ! Il vaut bien son prix.

La princesse Dollar paie cent couronnes et le prend sur ses genoux – le caresse.

La sportive regarde dehors et s’écrie :

Un artiste ! Un artiste ! Et un artiste pauvre !

La princesse Dollar :

Je le veux – Imaginez un peu !
En plus de l’argent et du cochon
Il me faut aussi une renommée,
Il est pauvre, cela me donne pouvoir et liberté
Laissez-le entrer, je le veux !

Ils crient tous :

Entrez, entrez !


La princesse Dollar est assise avec ses amies, en train de boire du champagne, les pieds sur la table

La princesse Dollar :

Mon Dieu, qu`on s’ ennuie !

Les autres :
Mon Dieu, qu’on s’ennuie !

Elles regardent au dehors : Un artiste ! Un artiste !

La princesse Dollar :

Un artiste pauvre, ce que j’ai toujours cherché !
L’argent, je l’ai, mais pas la renommée.
Pauvre comme il est j’aurai pouvoir et liberté.
Entrez ! crient-elles toutes
Le ménestrel entre.
Je cherche une jeune fille à aimer librement, dit-il
Puis-je choisir ? demande le ménestrel.
Oui, embrassez-nous toutes, dit la princesse Dollar.
Il les embrasse.
Il m’a embrassée ! crie la princesse Dollar – Tu es à moi !, tu es à moi !
Pas plus qu’aux autres, dit le ménestrel – Je vous remercie, maintenant je m’en vais.
Je m’en vais aussi maintenant, dit la princesse Dollar en suivant le ménestrel.

Une chambre de malade : le ménestrel est au lit et se plaint de maux de ventre – une infirmière vient de temps en temps avec un pot de chambre

La princesse Dollar : Prends-moi dans tes bras, je t’aime !

Le ménestrel : Je ne peux pas

La princesse Dollar : Ne détruis pas toute ma vie amoureuse !

Le ménestrel en pleurant : Le pot ! Le pot !
L’infirmière entre avec un pot.

La princesse Dollar avec colère :
Arrêtez, en ce moment solennel !

L’infirmière avec un respect admiratif :
Je comprends. Et elle pose le pot.

La princesse Dollar en tendant les bras au ménestrel :
Bien-aimé me voici ! Prends-moi dans tes bras !

Le ménestrel : Ne me touche pas !

La princesse Dollar : En ce grand moment je ne comprends pas – Dis-moi pourquoi

Le ménestrel : Je suis malade

La princesse Dollar : Donc tu veux gâcher ma vie amoureuse

Le ménestrel : L’impossible ne peut pas arriver

Le ménestrel crie : Au secours ! Au secours !

La princesse Dollar, blanche de rage et de mépris  sonne la cloche

La reine des Abeilles, K H et B entrent.

La princesse Dollar : Il ne veut pas.

Le ménestrel : Je ne peux pas.

La reine des Abeilles : Dis-moi ce qui arrive

La princesse Dollar :
Me prendre dans ses bras il ne veut
Il dit qu’il ne peut .

Avec mépris :
Il est malade. Si la puissance de ton amour s’arrête là,
Tu n’as vraiment rien à faire au pays de l’ Amour.

Le ménestrel en pleurant :
Pour l’heure j’ai bien des choses à faire
qui, avec l ’amour n’ont rien à faire
Simple question de bonté et de compassion.
Je meurs de douleurs.

La princesse Dollar :
Ici on meurt d’amour, pas de douleurs.
Mes amis ne le trouvez-vous pas impertinent ?

La reine des Abeilles, K H et les autres crient :
Ridicule ! Impertinent ! Il faut le forcer !

Un serviteur entre et retient le ménestrel qui hurle de douleur.

La princesse Dollar le prend dans ses bras et le ménestrel crie :
Dieu me garde de la cité de la liberté !

Un coin de rue.

Le ménestrel en fuite est arrêté et conduit devant la reine des Abeilles :
Oh, reine des Abeilles sauvez –moi !
On me pourchasse comme un gibier
Ici, dans la ville de la Liberté.
On ne consent pas à laisser
Mon estomac malade se soulager.
On ne me laisse ni manger,
Ni dormir, ni chanter,
Au nom de l’Amour souverain.

La reine des Abeilles :
Le grand amour est ainsi
Ce que vous devriez comprendre
Mais il reste encore un moyen
On va vous unir à la princesse Dollar.
Le Porc va vous enchaîner à elle.

L Le ménestrel :
Mais alors nous ne sommes pas
Dans la Cité de la Liberté
Si l’Amour n’y est pas libre

La reine des Abeilles :
L’Amour est libre pour celui qui ne l’est pas
Mais il ne l’est pas pour celui qui est libre
Elle sonne une cloche.
Le Porc entre, apportant une chaîne.

La reine des Abeilles :
Attachez-le à la princesse Dollar.
Le ménestrel brise la chaîne et s’enfuit

La place du marché dans la Cité de l’Amour libre. Une procession se forme avec le Poète, Le Bouc, des sorcières sauvées du bûcher, diverses syndicats, celui des Cocus avec à sa tête le Bouc, celui des ivrognes, celui des Politiciens, celui des Bâtards avec à sa tête le Porc.

Le Porc :
Cher ami, prêtez-moi votre femme,
Je vous en donne cent sous

Le Chien :
Pour coucher avec votre femme
Cher ami, prêtez-moi donc cent sous

La chanson du Porc :
Le Porc nage dans sa propre graisse
Sourit jusque dans la poêle à frire
Le Porc a de nombreux avantages
En réserve quantité de pourcentages
Le Chien pourvoie à sa sécurité
Tandis qu’assis sur sa queue
Il fouille avec son groin
Tout ce qui tombe du ciel

Le Bouc en tête de la troupe de Sorcières en Sursis :
Ah ! Ah ! Bruissement du printemps
Floraison blanche à perte de vue
Ah ! Ah ! Hou ! Hou !

Une Sorcière :
Long, long est mon nez,
Mieux qu’un qu’est trop court
Sous nos jupes on cache nos queues
Et nos ongles sont des griffes
Cher ami prêtez-moi donc cent sous,
D’ une sorcière vous serez l’époux

Une autre sorcière :
Un vieux loup de mer a vu la côte
Mais fit naufrage
Devant sa maison sur la plage

Le Bouc :
Courrons tous au devant du printemps
Des fleurs blanches, rouges et jaunes
Où est le scélérat, où se cache-t-il
Cet homme qui prit la pucelle
Pour une seule nuit
Et pas deux

Les sorcières :
Haro ! Haro ! Où est-il donc ?
Celui qui a touché la pucelle
On va le déchirer

Deuxième sorcière :
Haro ! Haro ! On va le griffer

Troisième sorcière :
On va lui enfoncer des pointes de fer rouge
On va l’empoisonner

La princesse Dollar :
Hi ! Hi ! Hi ! Ha ! Ha !
Larmes et grincements de dents !
Il a déjà goûté aux mets,
et il n’en veut plus désormais

S’adressant au Porc qu’elle embrasse et au Kangourou qu’elle caresse :
Je suis maintenant tellement en fureur
Qu’aucune étreinte n’aura ma faveur
Tant que je ne serai pas vengée
Ce misérable ménestrel
A voulu se faire la belle
Malgré mon apparition
Moi, qui suscite la dévotion

Le Porc :
Chère Demoiselle prêtez-moi cent sous,
Et , promis, il en aura tout son soûl.

Le Kangourou :
Chère demoiselle, prêtez-moi cent francs
Vous en aurez pour votre argent.

La reine des Abeilles :
Chère demoiselle, si votre argent vous prêtez
A ma place vous pouvez trôner.

La princesse Dollar distribue de l’argent à droite et à gauche :
Servez-vous, servez-vous
J’en ai un sac plein.

La reine des Abeilles :
Ecoutez, j’ai une idée,
Pour son bon cœur il est connu
Il suffit de le piéger

La princesse Dollar se couche, fait semblant d’être mourante et appelle au secours
Creusons un fossé devant elle
Il y tombera et se tuera

La princesse Dollar qui s’est couchée derrière le fossé :
Au secours ! Au secours !

Tout le monde :
Au secours, au secours ! Elle s’est tuée !
Elle s’est traînée jusque là
Si tu le peux, sauve-la !
Fais voir si tu es un homme
Ou pas !

Il tombe dans le fossé et se casse une jambe.

La princesse Dollar, ravie, bat des mains :
J’espère qu’il mourra d’amour pour moi !
Quel bonheur ineffable !
Un artiste mort d’amour pour moi !

Le ménestrel dans le fossé :
Ah, on peut le dire,
Ce n’était pas un amour heureux.

Les sorcières en chœur :
Le voilà le misérable
Pour sa vie demandant grâce

La reine des Abeilles s’adressant à la princesse Dollar :
Maintenant qu’il est dans le fossé
De ton œuvre es-tu satisfaite ?
A genoux tu l’as forcé
De sa misère tu peux te repaître
Avec le Kangourou fais l’amour en toute sérénité.

Le ménestrel, de son fossé :
Oh ! Délivrez-moi de cette cité de la liberté !


Le ménestrel, sur des béquilles, faisant partie d’un groupe de clochards :
Où allons-nous trouver à manger ?
Allons voir le président du syndicat des Riches.
Pour une chanson que j’ai composée
Le riche président de la Découverte du Pôle Nord
Me doit dix couronnes. Allons vers lui.

Un clochard :
Et moi je vais vers un autre président,
celui du Sauvetage des Explorateurs du Pôle Nord.

Le ménestrel :
Cher président vous souvient-il
des dix couronnes pour une chanson ?

Le président, solennel :
Nous venons d’apprendre l’heureuse nouvelle
Nansen est de retour, grande est notre joie
C’est par un diner de gala, l’occasion est belle
Que nous allons fêter l’évènement
Cela coutera très cher
Alors, vous comprenez bien
Que pour vous il ne restera rien.
Le menu vous pouvez voir
Mais on vous donnera de l’eau à boire.


Le clochard s’adresse au Président du Sauvetage des Explorateurs polaires :
Cher Président je meurs de faim
Quelques sous pour un peu de pain !

Le Président :
Pour retrouver les ossements d’un explorateur
Nous organisons maintenant une expédition
Impossible de vous faire cette faveur
Votre sort serait plutôt d’ aller en prison
Ce qui nous intéresse surtout ce sont les morts
Nobles victimes du Pôle Nord

Le ménestrel au désespoir :
Rien à manger, rien à boire
Des pièges qui me rendent infirme
Pour un baisé volé
Dans la cité de la Liberté
On me doit réparation.

S’adressant au Président du Syndicat des Politiciens :
Honoré Président, faites-moi justice
Pour un baiser on me torture
On me refuse le boire et le manger !

Un délégué s’avance :
Nous déclarons la guerre
Le politicien au général en chef :
Alors on envoie au combat
Le ménestrel, Les vieux et les estropiés
Ils se rassemblent en troupe
Mais ne peut-on pas attendre un peu?

Le délégué :
Si vous vouliez bien enfoncer toutes les portes
Pour qu’on puisse entrer

Le politicien :
C’est accordé !

S’adressant au Général en chef :
Foncez sur le ménestrel et les Estropiés,
Que le sang coule et l’honneur soit sauvé !

Le ménestrel et les estropiés sont attaqués et massacrés

Le délégué :
Puisque nous ne sommes pas assez armés
Nous proposons la paix
Contre la destruction des portes
Pour pouvoir entrer dans un an
Quand nous serons prêts

Le Porc et le Chien :
On veut la guerre !

Le général en chef :
Non merci ! On sait qu’il préfère
rester sur les genoux de nos filles et de nos épouses.

Le Politicien :
Faites-vous de la politique ?
Non, répond le ménestrel
Vous n’arriverez à rien
Sans d’une association faire partie.
Le rôle du politicien
Est de faire de la politique
Celui de l’ivrogne c’est l’ivrognerie
Inscrivez-vous dans une association.
Nous sommes en guerre en ce moment
La ville voisine veut nous attaquer.
Rejoignez nos rangs !

Le ménestrel : La faim m’en empêche
Et j’ai perdu une jambe

Le président :
Alors on va vous battre
Et faire alliance avec nos voisins
Que le sang coule et l’honneur soit sauvé !

Il le bat. Les Politiciens, les Ivrognes et les Cocus se jettent sur lui. Il reste inerte et sanglant sur le pavé.


Le chef de la police avec sa patrouille :
Le voilà déjà libéré !
Ma patience est à bout
Au nom de la Sainte Liberté
Je vous déclare arrêté
Pour tumulte sur voie publique
Et l’avoir de votre sang souillé.
Vous êtes un anarchiste
On le ramasse et on l’emporte sur une civière
Honorables Juges, Porcs et Bohémiens
Qu’ai-je donc fait ?
Je vais vous le dire :
J’ai glissé sur une crotte

Le Juge :
Un modèle de vertu !
Un crime impardonnable.
Allez chercher le Moïse moderne
Il va donner son avis là-dessus

Le moderne Moïse entre ivre, en chancelant :
Je suis vraiment de bonne humeur
Le juge a demandé mon avis

Le Juge :
Une raison à cette bonne humeur ?

Le moderne Moïse :
Vous voyez, à un coin de rue
Trente amants de ma femme
Plus furieux les uns que les autres
Car se sentant tous cocus,
Me reprochaient le baiser de cette nuit.
On apporte une chaise pour le Moderne Moïse
Qu’on apporte mes cornes, ma barbe
Et les Tables de la Loi , je vais légiférer

Le juge :
Vous êtes coupable d’avoir embrassé
La Princesse Dollar
Tout en refusant de l’embrasser
Vous avez refusé de vous enchaîner
A la Princesse Dollar
Vous êtes tombé dans un fossé
Et à cette occasion avez crié,
De votre sang avez souillé
Des dames les beaux atours.
Vous avez mis le désordre
Quand la Police vous tapait dessus
Refusant même de mourir à temps

L’accusé : Pour la première accusation j’ai à dire
Que le premier baiser est donné sans désir,
Il fut donné sans passion
Simplement dans le feu de l’action

Le Juge : Taisez-vous !

Tous les autres : Honte à lui !
Il ose humilier la femme
C’est une femme, une femme

L’accusé :
A mon avis elle a la force d’un homme
On peut même dire comme un ours
Elle prétend avoir droit à l’amour
Egalement comme un homme
Elle pleure – et se bat à coups de lance

Le juge :
Pourquoi ne pas l’avoir embrassée plus souvent ?

L’accusé :
Je ne pouvais pas, j’étais malade

Le juge : Qu’en pensez-vous Juge Moïse ?

Moïse : On ne donne pas un seul baiser
On en donne vingt

Le juge : Le tribunal vous accuse d’avoir mal agi
D’avoir couché avec elle
Sans vous marier avec elle

L’accusé en larmes :
C’est bien pour cela que j’ai couché avec elle
Pour éviter de me marier

Le Juge : Et qu’en dit Moïse ?

Moïse : Passez-moi mes cornes, ma barbe
Et les Tables de la Loi
Et je vais vous conseiller
Et bien, on couche d’abord
Ensuite on se marie
Quand on est las l’un de l’autre
On divorce d’abord
Ensuite on se marie
Par mes cornes et par ma barbe
C’est la simplicité même !

L’accusé : C’est tellement simple
Que personne n’y comprend rien
Dans ces lois de la Cité de la Liberté
Le droit d’aimer librement est réservé aux femmes
Elles ont le droit d’enfreindre la loi
Quand il s’agit des hommes

Le juge : Voici le verdict de la Cour :
Ce droit reste celui des hommes
Si les femmes y consentent